Exclusif - Les infirmières proposent une petite révolution pour améliorer l'accès aux soins de santé : plutôt que d'imposer plus de travail aux médecins, elles proposent qu'on leur confère plus de responsabilités.
« Il est nécessaire que les médecins puissent se concentrer sur les cas les plus complexes », écrit la Fédération interprofessionnelle de la santé du Québec (FIQ) dans le mémoire qu'elle déposera mercredi devant la commission parlementaire qui étudie le projet de loi 20.
La FIQ propose une série de mesures pour placer les infirmières au centre de la première ligne du réseau. Selon le mémoire obtenu par Radio-Canada, 74 % des Québécois qui sont liés à un centre de services médicaux et qui ont vu un médecin depuis deux ans n'ont jamais rencontré d'infirmière.
La FIQ propose d'élargir considérablement la capacité des infirmières à prescrire des médicaments. Elle suggère d'ajouter 16 « conditions mineures » pour lesquelles les infirmières pourraient prescrire des médicaments à la suite d'un diagnostic médical, comme l'herpès buccal, l'eczéma, les hémorroïdes, ou encore les oreillons et les infections urinaires chez les femmes.
Elle réclame aussi le droit pour les infirmières cliniciennes de prescrire 16 examens, par exemple des radiographies articulaires, ou encore des analyses d'urine, des bilans lipidiques, des tests Pap, etc.
Même les tests de dépistage des MTS pourraient être demandés par les infirmières, soutient la FIQ, qui ajoute que les infirmières devraient avoir le pouvoir de renouveler des ordonnances émises par un docteur.
La FIQ explique que ces mesures permettraient de gagner du temps gaspillé à attendre les autorisations des médecins. Actuellement, à peine quelque 200 infirmières praticiennes ont ce genre de responsabilités. Et même dans leur cas, certaines barrières demeurent.
Ces mesures vont plus loin que le projet de règlement déposé en janvier, qui proposait d'élargir leur autonomie en matière de soins des plaies. La FIQ souligne que la très vaste majorité des Québécois appuie l'idée d'élargir le droit de prescrire des infirmières.
Autre mesure urgente aux yeux de la FIQ : permettre à toutes les infirmières de poser les mêmes gestes partout au Québec.
Pour l'instant, les ordonnances collectives, qui détaillent ces gestes, ne seraient pas appliquées de manière uniforme. On propose que le ministre de la Santé les impose partout au Québec.
La FIQ souligne qu'il y a « des résistances et des barrières maintenues par le corps médical ». Le fait que les médecins soient payés à l'acte expliquerait en partie leur réticence à déléguer des responsabilités lucratives.
La FIQ estime que la coordination et les liens entre les différents maillons du réseau sont déficients, une opinion maintes fois émise par le ministre de la Santé, Gaétan Barrette.
Elle propose de donner à certaines infirmières le rôle de « pivots » et d'accélérer l'implantation de dossiers informatisés qui permettraient justement une meilleure coordination dans le réseau.
Les infirmières sont prêtes
Dans le réseau, les infirmières semblent prêtes à assumer plus de responsabilités. À la coop SBASA, une clinique de proximité à Québec, ne travaillent que des infirmières, aucun médecin, et selon sa cofondatrice, Isabelle Têtu, une infirmière praticienne, seulement de 2 % à 5 % des cas doivent êtres référés à des médecins.
Sa collègue Maureen Guthrie, qui y travaille bénévolement, pense que les médecins sont prêts à conférer plus de pouvoirs aux infirmières.
« Je pense que les infirmières pourraient jouer un rôle de premier plan. Ça libérerait les médecins pour les cas qui ont vraiment besoin de suivi et qui sont plus lourds », explique-t-elle.
La FIQ affirme que les infirmiers et infirmières au Québec ont moins de latitude que leurs confrères et consœurs du Nouveau-Brunswick et de l'Ontario.
La FIQ regroupe 65 000 membres. On y retrouve une vaste majorité d'infirmiers et infirmières, mais aussi des infirmières auxiliaires, des inhalothérapeutes et des perfusionnistes.
Source Un texte de Davide Gentile : ici.radio-canada.ca/